Des sectes dans l'Eglise

Des sectes dans l'Eglise ?

Critères pour un discernement pastoral
Giorgio Ronzoni (auteur) 

Y a-t-il ou non des sectes dans l’Eglise ?
La question est toujours évitée par ceux qui devraient se la poser. C’est un sujet dont on ne parle pas. Certes le mot « secte » est difficile à utiliser et l’on épiloguera longuement sur ce qu’est ou sur ce que n’est pas une secte. Faut-il pour autant contourner cette difficulté ? Nous pensons qu’au contraire elle doit être attaquée de façon frontale et il revient à Giorgio RONZONI le grand mérite de s’y être attelé tout en essayant de définir des critères pour un discernement pastoral.
L’auteur est prêtre, jésuite enseignant à la Faculté de Padoue. L’ouvrage publié aux éditions jésuites est préfacé par Luis Martinez Saavedra directeur de la collection La part-Dieu. 

Giorgio Ronzoni ne fait mention ni de personnes, ni de mouvements précis, écrit-il. Ce n’est pas son but : il cherche plutôt, avec pertinence et compétence, à mettre en garde contre un phénomène qui a frappé et frappe encore au cœur des institutions religieuses. Il s’agit d’un instrument aidant à garder les yeux ouverts, face aux comportements bien « typés » qui agissent de façon sectaire et touchent notamment des jeunes personnes fragiles, au sein de communautés dites « nouvelles » adoptant en fait des pratiques révolues.

Se référant à l’exhortation apostolique « Evangelii gaudium » Giorgio Ronzoni pointe d’abord le phénomène de prise de contrôle des paroisses par telle ou telle communauté qui doit s’intégrer dans la réalité du lieu pour éviter de demeurer « seulement avec une partie de l’Evangile et de l’Eglise ». Pour Ronzoni la circonlocution « seulement avec une partie de l’Evangile et de l’Eglise » est un euphémisme qui fait allusion aux mots bien plus graves d’« hérésie » et de « schisme » - tellement graves qu’ils ne sont pas nommés ouvertement pense-t-il. Il est vrai que dans l’étymologie vraisemblable du mot secte, on trouve le verbe latin « secare » qui signifie couper. Toute dérive sectaire est bien une coupure, coupure réalisée par ceux qui s’approprient une partie de l’Eglise. De façon pertinente, Ronzoni a le mérite de nous remettre en mémoire les propos oubliés du cardinal Francis ARINZE, tenus au Consistoire ordinaire du 4-7 avril 1991 :

Des méthodes utilisées par certains Nouveaux Mouvements Religieux sont contraires à l’esprit évangélique parce qu’elles ne respectent pas suffisamment la liberté de conscience. Quelques mouvements, par exemple, emploient des moyens de recrutement discutables ou absolument déloyaux, techniques d’entraînement, procédés d’endoctrinement, distribution d’argent, séparation psychologique des recrues vis-à-vis de leur famille et culte du chef.

Dans un chapitre suivant consacré à « la conversion ou l’adhésion à la pensée de groupe », le lecteur averti retrouvera un certain nombre de débats déjà anciens sur le lavage de cerveau, notamment ceux de Robert Lifton, également sur les travaux approfondis de Margaret SINGER, intervenante de qualité qui a longtemps collaboré à l’ICSA. Le point faible est peut-être une référence un peu trop appuyée à son compatriote Massimo INTROVIGNE, certes bon connaisseur du phénomène sectaire, mais aussi lobbyiste dont les positions pour le moins ambiguës laissent le champ libre à ces mouvements abusifs au nom, prétendument, de la liberté religieuse.
Parmi les « bonnes feuilles » de ce chapitre, puisqu’il faut faire un choix nous retiendrons le paragraphe final consacré au « contrôle mental dans l’Eglise » : « Il n’est guère difficile, écrit-il, de reconnaître dans certaines de ces techniques de contrôles mental (i.e. techniques sectaires) des analogies avec des pratiques qui pendant des siècles ont structuré la vie dans les monastères et qui ne se sont assouplies que récemment. »… Et il note de façon pertinente : 

Une certaine ascèse, qui a formé des prêtres, des religieuses et des religieux encore vivants et actifs dans l’Eglise, canalisait et soutenait la trajectoire idéale des jeunes vers un idéal de « perfection » inatteignable. On faisait grandir de la sorte les sentiments de culpabilité et les sujets étaient induits à ses sentir indignes, en les poussant à croire qu’ils devaient « s’engager plus », sans jamais être à la hauteur des idéaux proposés.

En revanche, le « jargon interne » au groupe et le « bombardement d’amour » semblent plutôt pratiqués par des communautés et mouvements nés à une époque plus récente ».
Avec la même liberté de ton il aborde dans le chapitre qui suit le problème des « leaders ». Il les nomme ainsi, mais nous aurons tous reconnu ceux que l’on appelle les « Pères », ou parfois aussi la « Mère », quand il ne s’agit pas d’un couple ! Ce sont les fondateurs de communautés, celles et ceux qui ont une autorité charismatique même s’ils manifestent par ailleurs des troubles psychopathologiques qu’il recense précisément.
Mais rien n’est simple : 

A la pathologie du leader fait contrepoids celle des disciples qui souffrent d’un trouble de dépendance de personnalité ». [….] Ils sont capables de faire n’importe quoi pourvu qu’ils obtiennent assistance et soutien. « Viens avec nous, nous prenons sur nous la responsabilité de faire en sorte que tu sois bien, nous te dirons quoi faire ; tu ne devras plus te préoccuper de prendre des décisions tout seul ; nous ne t’abandonnerons jamais

Message irrésistible pour les sujets ». Le leader, le « Père » rend ainsi un service à la secte. Ronzoni s’appuie pour cette affirmation sur l’analyse de Maria Luisa Maniscalco dont nous reproduisons un extrait : « Le chef, en effet, réussit habilement à interpréter, à définir et à exalter ce qui, au niveau individuel, est perçu de manière confuse et approximative ; ce faisant, il fonde et donne sens à l’union. De ce point de vue, on est d’accord avec beaucoup d’auteurs voyant derrière la naissance de chaque secte un individu doté d’une personnalité exceptionnelle qui réussit précisément à faire consensus inconditionnel autour de sa personne, de sa conception de la réalité et de ses projets ». La conséquence nous est bien connue : « Les adeptes doivent forcément « diviniser » le leader pour pouvoir se soumettre à lui et à ses règles dans un don de soi absolu pour le satisfaire pleinement.»

Quand il s’agit de sectes dans l’Eglise catholique nous écririons plutôt que les adeptes doivent forcément « canoniser » le leader, même de son vivant. Ils voient en lui, non pas un médiateur, mais LE médiateur.

Ce qui peut sembler pure folie et suprême irrationalité à qui n’appartient pas à la secte doit être considéré en réalité comme la résultante d’une logique différente, d’une dynamique qui place la volonté et l’élan, la foi et le don de soi au service d’une idée, d’un projet et de celui qui, mieux que les autres, les définit, les représente et les incarne ». […] le disciple, hypnotisé par la doctrine et le credo du chef, se sent délié des implications du principe de réalité ».

En conclusion, puisque « le catholicisme devient de plus en plus parcellaire – ou sectaire ? », Giorgio RONZONI revient à l’objectif essentiel de ses écrits : définir des critères pour un discernement pastoral. Il n’est pas un « va-t-en-guerre » comme pourrait le laisser supposer notre lecture abrégée de son livre. Il encourage plutôt à bien faire :

L’Eglise dans son ensemble doit continuellement donner la preuve qu’elle garantit à tous ses fidèles assistance dans leur croissance spirituelle et protection par rapport à des expériences nuisibles.On ne peut retourner en arrière : les nouvelles communautés religieuses existent, prospèrent et ont été reconnues comme un don pour l’Eglise.[…] Ces nouveaux groupes doivent se développer et accomplir leur mission. C’est pour cela qu’ils doivent être correctement gouvernés à l’intérieur et de l’extérieur, comme il en va de toutes les réalités ecclésiales : instituts religieux, associations, séminaires, etc. Car dans les groupes, mouvements et communautés de fondation récente, la capacité d’autocritique et d’autocorrection est gravement déficiente, comme c’est le cas malheureusement dans la plupart des groupes fermés et enthousiastes. Dans ce cas, on doit agir, et vite.

MANISCALCO : Spirito di setta e società, Significato e dimensioni sociologiche delle forme settarie
p. 104-110 Edizione a stampa ; Codice ISBN: 9788820476090
 

https://www.editionsjesuites.com/fr/livre-des-sectes-dans-l-eglise--2204.html

Gilbert Dautrebande (traducteur)
Collection : La part-Dieu ; Date de parution : 18-04-2019
ISBN : 978-2-87299-362-8

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