Sortir d'une communauté
La question de la sortie d’une communauté se pose de façon très différente selon qu’il s’agit d’une « bonne » ou d’une « mauvaise » communauté.
Mais à quoi reconnaît-on la différence ?
Qu’est-ce qui nous permet de dire ainsi qu’un groupe humain est « bon » ou « mauvais » ?
N’est-ce pas partisan, totalement subjectif ?
Alors, pour éviter tout parti-pris nous avons noté quelques critères objectifs tirés d’expériences concrètes et de témoignages reçus.
1. Une communauté « mauvaise »
est d’abord une communauté qui cherche à recruter, à capter des bonnes volontés sur de fausses promesses, ou sur une promesse incomplète, par exemple en ne permettant pas au novice de prendre connaissance avant les voeux de la règle et des constitutions, ou encore en continuant à recruter tandis qu’une enquête canonique a été décidée ou est en cours suite à des dysfonctionnements signalés.
Une communauté « mauvaise » est ensuite une communauté qui cherche à retenir le membre qui manifeste le désir de partir de la façon suivante :
- Elle culpabilise ou cherche à culpabiliser le sortant en lui faisant sentir qu’il trahit les vœux prononcés, ou la vocation qui est la sienne
- Elle diabolise le monde extérieur en faisant valoir qu’on est mieux « à l’intérieur », et que la société civile est le lieu de tous les dangers, de toutes les difficultés..
- En même temps elle empêche de connaître le monde extérieur dont le membre doit recevoir le moins d’informations possibles. Elle bloque la communication par téléphone ou par internet, ou bien la rend difficile, ou encore la met sous surveillance.
- Elle bloque les cotisations retraite du membre.
- Elle peut aussi empêcher le membre de se former, de passer un examen, d’acquérir les compétences ou diplômes lui permettant d’opérer cette reconversion
- Elle pratique la mutation géographique empêchant ainsi celle ou celui qui a manifesté sa volonté de départ d’arriver dans un environnement connu. Cette mutation peut projeter le membre d’un continent à un autre loin de son pays d’origine ou d’adoption.
- Elle bloque les allées et venues en confisquant les papiers d’identité, la carte Vitale. Ce comportement est faussement justifié par un motif de sécurité : « je mets tes papiers importants à l’abri ».
- Quand le membre est un laïc ou un religieux non cloîtré elle l’empêche de disposer de ressources individuelles, d’accéder à un compte bancaire, ou d’avoir sous la main les liquidités monétaires lui permettant de partir et de subsister le temps nécessaire à sa reconversion.
COMMENT SORTIR D’UNE COMMUNAUTE SECTAIRE.
2. Si la communauté est « bonne »,
c'est-à-dire si, tout en le regrettant, elle accepte l’idée de votre départ, elle doit vous aider à vous engager au mieux dans cette nouvelle situation. Le droit canon et, souvent, les constitutions de la communauté ont prévu qu’une telle rupture peut survenir et des procédures sont prévues :
- Sur le plan religieux quand des vœux permanents ont été prononcés, la sortie passe souvent par une autorisation temporaire d’un an appelée « exclaustration » à condition que le statut canonique soit bien défini, ce qui, souvent, n’est pas le cas avec des communautés nouvelles.
- L’exclaustration permet alors d’attendre une solution définitive. Il faut bien comprendre que, quand les vœux ne sont pas nets, vœux privés par exemple, ou vœux pris avec contournement des règles du noviciat, le désengagement n’est pas net lui aussi. Il faut en prendre son parti car il est vain alors de chercher à clarifier la sortie avec ses supérieurs ou avec une autorité religieuse, ou d’attendre une « autorisation » qui tardera à venir.
- Sur le plan civil des modalités d’aide au départ sont prévues et détaillées pour faciliter le retour à la vie civile d’un religieux. Toutefois un différend peut survenir sur l’application de ces mesures, un service de médiation est en place au niveau de la Conférence des Evêques de France pour régler au mieux le désaccord. S’il s’agit d’une congrégation, la CORREF peutt être saisie du problème.
- Quand la personne n’est pas religieuse, mais laïc consacré, un grand flou existe tant les statuts et situations peuvent varier d’un groupe à l’autre. Il serait donc risqué de formuler des conseils valables en toute situation. Selon les cas individuels le lecteur se reconnaîtra dans l’un ou l’autre des chapitres qui traitent de ce sujet de la sortie.
ISBN : 9782204152969 . Au-delà des procédures canoniques cet ouvrage réfléchit à la façon d’accompagner « toujours plus et toujours mieux » les personnes qui quittent une communauté.
3. Il existe aussi un cas particulier de sortie : c’est le renvoi de la communauté.
I - COMMENT SORTIR D’UNE COMMUNAUTE MAUVAISE,
I – LA SORTIE PHYSIQUE
La préparation du départ
- Réunir l’essentiel : papiers d’identité, carte VITALE, photocopies ou originaux de diplômes, permis de séjour et passeport le cas échéant, certificats de travail ou toutes preuves écrites de votre activité et travail dans la communauté (photos, journaux internes,…) Si possible, préparer les affaires à emporter (ce n’est pas toujours possible)
- S’assurer si possible dans la discrétion d’une aide extérieure : logement, argent de poche
- Point-clé : Ne parler à personne en interne du projet de sortie si la communauté est vraiment sectaire ; ne pas chercher à se justifier auprès des responsables ; ne pas les avertir de la décision prise
- Si vous devez laisser des affaires ou effets personnels que vous ne pourrez emmener, établissez en la liste et leur récupération sera demandée ultérieurement.
- Préparer le lieu d’arrivée si cela est possible (logement chez des proches ou des amis), communication via téléphone portable. Sinon s’apprêter à appeler le 115 :
- Le 115 est un numéro d'urgence à n'utiliser que si vous êtes sans possibilité d'hébergement au moment de l'appel. N'appelez pas le 115 tant que vous disposez encore d'un logement ou êtes logé chez un tiers. Le 115 octroie en effet des places au jour le jour. Il n'y a jamais de réservation.
Le départ
- Il est irréversible. Il ne faut pas regarder en arrière. C’est une fuite.
- Si la communauté est vraiment sectaire, elle va chercher à vous faire revenir par tous moyens. Il est important, si vous disposez d’une adresse internet, de la modifier et, si vous êtes en possession d’un téléphone portable, de changer le numéro de votre abonnement si vous en avez les moyens financiers. Sinon ne répondez à aucune sollicitation ou appel des responsables que vous quittez ou des personnes avec qui vous vous sentiez proche dans la Communauté.
- Il vous faudra peut-être déposer rapidement une plainte pour vous protéger : cela peut se faire n’importe où sur le territoire, que vous soyez français(e) ou étranger(e). Si vous êtes sans ressources ou disposez de faibles moyens vous avez droit à l’aide juridictionnelle qui vous permet de bénéficier d'une prise en charge totale ou partielle par l'État des honoraires et frais de justice (avocat, huissier, expert, etc.). Pour ces questions juridiques ou de droit au séjour nous vous conseillons de vous adresser à France Victimes.
- 116 006 - Numéro d'aide aux victimes
Il est ouvert 7 jours sur 7 de 9h à 19h
Le service est également accessible en composant le +33 (0)1 80 52 33 76 (numéro à tarification normale).
- Par courriel vous pouvez également vous adresser à : victimes@france-victimes.fr
- Le logement d’urgence est de courte durée : ensuite il existe des associations capables de vous héberger et de vous dépanner.
- Il est vivement conseillé de procéder à un contrôle médical complet et – si nécessaire – de faire établir des certificats par le médecin qui vous examine pour constater des abus subis ou un état de santé fragilisé.
Si vous ne disposez pas de la carte VITALE, il existe des centres capables de vous prendre en charge (Médecins du Monde, et autres). Une demande de carte CMU doit très vite être établie. - Essayez très vite d’avoir une adresse fixe pour, le cas échéant, pouvoir ouvrir un compte en banque si vous n’en avez pas, vous inscrire à Pôle Emploi pour demander du travail ou une formation, établir une demande d’aide sociale (RSA). N’hésitez pas à consulter une assistante sociale, par exemple dans les services sociaux d’une mairie, ou dans un centre d’accueil.
II – LA SORTIE PSYCHOLOGIQUE
- Il ne faut pas croire pour autant que vous soyez sorti(e) de la communauté sectaire : elle est toujours dans votre tête, dans vos pensées. Elle peut même vous obséder. Ne sortez que si vous ressentez un réel appel à la liberté.
- Vous n’en sortirez pas seul(e) : il vous faut être accompagné(e) par une association spécialisée, par un psychologue ou un psychiatre si vous vous sentez en état dépressif. Il vous faut pouvoir en parler et être écouté(e). Le fait d’écrire votre vécu, ce qui vous est arrivé dans cette Communauté est une très bonne chose pour réaliser ce qui vous est arrivé. Si vous ne souhaitez pas écrire, il faut en parler à quelqu’un de discret qui vous comprenne.
- Il se peut que vous ayez l’envie de retourner, la Communauté vous offrant un cadre et des repères sécurisants qu’il vous faut redécouvrir à l’extérieur. Il vous faudra résister à cette envie, tenir le coup.
- La sortie psychologique peut durer fort longtemps. Il vous faudra de la patience.
- Il vous faudra également oublier l’étude solitaire, le travail individualiste pour découvrir un monde du travail où existe aussi une hiérarchie, un pouvoir des patrons ou des chefs, mais où le partage en équipe requiert des facultés de communication et l’adhésion à des objectifs autour de projets renouvelés.