Faire le bilan

FICHE 1 : LA RECONSTRUCTION PROFESSIONNELLE

  1.  Pour entreprendre le volet professionnel de sa reconstruction personnelle, la victime d’une dérive sectaire ou la personne sortie (on pourrait dire : échappée) d’un culte abusif aura tout naturellement tendance à « faire un blanc » dans sa mémoire pour oublier cette période de sa vie passée dans une communauté dont elle est ressortie blessée. Elle le fera également par inexpérience, ne sachant comment en parler dans son Curriculum Vitae, comment présenter cette expérience qu’elle juge malheureuse à un recruteur ou un futur employeur.
  2.  Cette attitude est une erreur : s’il y a un « blanc » dans la biographie, dans l’histoire personnelle de quelqu’un, pour un tiers, notamment quand il recrute – et tout recruteur se méfie – cela signifie qu’on lui cache quelque chose. Ce quelque chose n’est-il pas un obstacle au recrutement, une raison suffisante pour écarter cette candidature ? Erreur vis-à-vis du tiers, cette attitude est également une erreur vis-à-vis de soi-même. En faisant un « blanc », l’ex-membre d’une communauté refoule son propre passé. Qu’il renie ceux qui lui ont fait du mal cela se conçoit. Qu’il cherche à les oublier, à tourner la page, c’est salutaire. Mais nul ne peut renier son histoire personnelle si décousue ou chaotique puisse-t-elle paraître. Ou bien il peut se faire encore que, sans renier son propre passé, l’intéressé(e) considère qu’il n’y a rien à dire de cette période de sa vie car il ne la considère pas comme une expérience professionnelle digne d’intérêt. Pour lui (ou pour elle) le « blanc » se justifie donc.
  3. Cette attitude, quelle qu’en soit la cause, néglige le fait que, dans toute histoire personnelle, il y a un fil directeur puisqu’il y a maintien de l’identité de la personne à travers une suite de circonstances heureuses ou malheureuses. Ce fil est parfois difficile à démêler. Il peut être bien ténu, mais il n’en est pas moins réel : il s’agit de le repérer, de l’identifier et de l’attraper pour découvrir ce qui fait, qu’à travers ces expériences, la personnalité s’est façonnée et a pu se développer.
  4. La cachotterie n’est pas de mise. La peur du qu’en dira-t-on n’est pas justifiée, surtout à une époque où, compte tenu du renouveau d’intérêt que manifestent nos contemporains pour la spiritualité quelle qu’en soit la forme, un temps passé en communauté est bien accepté et peut être présenté comme un parcours de développement personnel auprès d’une Direction de Ressources Humaines. Disons-le : c’est dans « l’air du temps ». On ne regardera pas de travers la personne qui a été consacrée dans une Communauté sauf dans certains milieux chrétiens (ou pharisiens) qu’il lui faudra fuir de toutes façons si elle veut respirer de l’air frais. Bien sûr il faudra habiller le passé pour le rendre acceptable et présentable. Voyez sur ce point l’interview de Sylvain publié également sur notre site.
  5. Une question se  pose néanmoins à l’ex-membre de communauté : puisque je peux et dois le faire, comment présenter ce passé communautaire ? Dois-je dissimuler ce qui m’apparaît néanmoins comme un échec ? Comment valoriser pour un tiers cette expérience qui m’est apparue comme un gâchis ? Pour répondre à cette question l’ex-membre doit se livrer à un exercice personnel de type « bilan de compétences ».


Il lui faut répondre aux questions suivantes :

5.1   : Dans la vie communautaire quel a été mon type d’expériences : séjour dans un foyer ? Donc apprentissage de la vie en groupe ? Séjour à l’étranger ? Donc apprentissage de langues ? Apprentissage du multiculturalisme ?

5.2   : Quel  a été mon type de relations avec les autres : ai-je pu analyser les comportements humains ? Mieux comprendre les caractères ? Anticiper les réactions

5.3   : Quel a été mon type de tâches ? Me rappelant « qu’il n’y a pas de sot métier, mais que de sottes gens », toute tâche qui a pu m’être confiée, même pour m’humilier ou me harceler, m’a permis d’apprendre quelque chose. Qu’est-ce que j’ai donc appris à faire à travers mes tâches ménagères ? La collecte de fonds ? Le secrétariat, le classement de papiers ? La rencontre avec des jeunes ? Les courses à faire ? Les séances collectives imposées ? Le soin aux malades, etc… Il est donc nécessaire de se remémorer et de lister ces tâches, de les hiérarchiser. En comprenant comment elles ont contribué au renforcement de sa personnalité, l’ex-membre de Communauté, pourra tirer un bien de ce qu’il a vécu comme un mal.

5.4   : Quel a été mon travail sur moi-même ? Quel a été mon cheminement personnel qui m’a permis de sortir ? La réponse à cette question est une preuve de vitalité personnelle. C’est bien cette vitalité qui sera requise désormais et mise à profit dans la vie professionnelle.


OBSERVATIONS FINALES :

Pour bien redémarrer dans la vie active l’ex-membre de Communauté devra raviver ou constituer un réseau. Bien plus qu’un réseau social sur Internet de prétendus « amis », il doit s’agir d’amis véritables, anciennes connaissances avec qui l’on renoue, anciens membres de la Communauté avec qui l’on partage et l’on s’entraide. Il s’agit également de nouveaux contacts créés, de nouvelles relations avec des personnes qui respectent le passé de l’ex-membre et évitent de se montrer intrusifs.

Il faut également considérer que le passage dans une Communauté, de façon générale, prépare à des métiers à forte composante relationnelle (formation, conseil, services à la personne) vers lesquels l’ex-membre pourra se tourner à moins qu’il ne dispose d’une qualification précise dans une technologie, une technique précise, une spécialité recherchée. Ce type de compétence est malheureusement moins fréquent, mais il ne faut pas négliger les possibilités de formation permanente permettant de réactualiser des savoir-faire devenus obsolètes ou d’en acquérir de nouveaux.

Les métiers de la santé ou du secteur paramédical sont également à considérer compte tenu de la forte demande dont ils sont l’objet.

Mais, surtout, il lui faut garder présents à l’esprit les propos de Steven HASSAN, ex-membre lui aussi d’un groupe sectaire, devenu aux Etats-Unis l’un des meilleurs conseillers reconnus pour ce type de situation. Voilà ce qu’il écrit dans son best-seller « Combatting Cult Mind Control » (Combattre l’emprise mentale dans les sectes) publié en 1990 :

Les gens qui sont sortis des sectes peuvent devenir forts, peut-être plus forts que la plupart. Ils ont eu une expérience de vie inhabituelle qui, avec une perspective de bon sens, nourrira certainement un goût plus profond pour la liberté. Les anciens adeptes de sectes destructives sont des survivants. Ils doivent prendre conscience de leur propre force et de leur pouvoir. S’ils ont pu passer à travers leurs expériences de secte, ils peuvent se tirer d’affaire de n’importe quelle situation.

N’est-ce pas encourageant ?

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