Abbaye de Lagrasse

La Fondation

On arrive à fonder une communauté quand on sait manier les ingrédients et que l’on connaît la recette. Dans les ingrédients il y a l’argent, les relations, une certaine dose de culot, et aussi des idées pour définir un charisme ou se rattacher à un courant religieux. Ce fut le cas de Roger Pequigney, en religion père Wladimir de Saint Jean, fondateur des Chanoines de la Famille canoniale de la Mère de Dieu, connue du public sous le nom des Chanoines de Lagrasse.


 

L’abbaye restaurée où il a pu s’installer en faisant acquérir le 2 juillet 2004 ce patrimoine immobilier par la SAS SAINT JOSEPH d’ORBIEU, qu’il présidait, et la société civile Saint Augustin dont ses amis, notamment le père LEFEBURE, détenaient les parts sociales.

 

Son intuition initiale, en effet, a été de fonder cette société de chanoines sous le patronage de Saint Augustin. Le terrain était déjà bien occupé et balisé par des ordres traditionnels ou communautés se réclamant de saint Dominique, de saint Ignace, de saint Benoît, de saint François d’Assise, ou d’autres figures célèbres et vénérables. Mais, par chance, le champ était libre pour qui souhaitait se référer au patronage de saint Augustin bien que l’évêque d’Hippone n’ait, à proprement parler, jamais fondé de communauté ou défini les règles d’un ordre monastique. Mais qu’importe ! La filiation s’avérait respectable et Roger PEQUIGNEY était un homme réaliste. La Famille canoniale de la Mère de Dieu serait « augustinienne » : qui donc aurait osé s’y opposer ? C’était bien choisi.  

Que l’on comprenne bien : ce n’est pas à proprement parler une congrégation qui suit la règle du fondateur, c’est une société de clercs, une quarantaine environ qui partagent dans le cadre historique du monastère de Lagrasse une vie commune. Ils sont traditionalistes, et entretiennent de bonnes relations avec des milieux influents : écrivains, médias, haut-clergé romain. Nous n’avons pas à juger par ailleurs leurs affinités politiques mentionnées dans un livre de Jean Michel Mariou : de  paru début août aux éditions GOLIAS « Abbaye de Lagrasse entre masques et mensonges ».

Harcèlements sexuels étouffés depuis 2006

Ce qui retient notre attention c’est le comportement du fondateur, le "père Wladimir", condamné par l’Eglise en 2012 dont il est reconnu aujourd'hui que, dès juin 2006, il avait été convoqué à Carcassonne par son évêque, Mgr Planet car il aurait eu des  « comportements inappropriés » (= harcèlements sexuels) vis à de jeunes chanoines installés à Lagrasse.

Roger Pequigney doit alors démissionner sous pression épiscopale. Il le fait pour "raisons de santé". Mais cela prendra encore du temps : il acceptera seulement  en 2010 de renoncer à ses fonctions dans la société  immobilière déjà citée, comme en atteste le document que nous publions ci-dessous :

Il faut dire qu’un procès canonique avait été ouvert en 2009 et que le père Wladimir avait été condamné au terme de cette procédure en 2012. Reconnu coupable d’abus d’autorité et de fautes contre la chasteté, il est alors interdit de tout ministère et renvoyé officiellement de la communauté.

Sa retraite est restée discrète et il est décédé en 2023.


L'Omerta dans d'autres mouvements de vie consacré

Mais le scandale est toujours étouffé et il faudra attendre janvier 2024 pour que le père Emmanuel-Marie, Père Abbé de la Communauté, reconnaisse les faits dans une interview à la revue La Nef et admette qu’il traverse une « épreuve difficile », soit 18 ans après les premières plaintes et 12 ans après la condamnation.

Quand il a démis de ses fonctions le père Wladimir en 2006 Mgr Planet n’était pas encore à la tête de la cellule « dérives sectaires » de la Conférence des Evêques dont il devait garder la responsabilité jusqu’en 2021. Interviewé par « La Croix » en 2019 il déclarait : « Dès lors qu’il y a délit ou crime, nous signalons au procureur ». Evidemment ce ne fut pas le cas pour Roger Pequigney pour qui la règle de discrétion s’est imposée. Mais était-ce la bonne attitude ?

« Dans un courrier adressé aux oblats en juillet 2024 le Père Emmanuel-Marie constate que sa communauté est entrée dans « une période de turbulences, dues à des erreurs, des calomnies et des indiscrétions ». « C’est douloureux et pénible », ajoute-t-il. Mais depuis combien de temps était-il au courant des abus imputés à son prédécesseur ? Pourquoi ce long silence que l’on pourrait qualifier d’omerta ?

Si nous posons cette question c’est parce qu’elle se pose aussi dans d’autres mouvements de vie consacrée dont nous citerons quelques-uns : Communauté Saint Martin, Famille de Marie, Institut du Verbe Incarné, Sodalitium,…

Dans quelle mesure ce silence délibéré entretenu sur plusieurs années a-t-il pu introduire des dérives dans ces communautés ou y favoriser des « turbulences »? Faut-il se tenir à l’écart de tels instituts faussés dans leur conception initiale ? Pour Lagrasse une nouvelle visite apostolique est en cours depuis le mois de mai 2024. Règlera-t-elle les tensions internes qui persistent suite à ces révélations ?

On est en droit de poser cette question.
Publié le 25/08/2024


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